Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
L'ère de la scène

Site d'Eléonore de Vulpillières. Recensions d'essais, pièces de théâtre, expositions... mon site propose des sujets relatifs à la scène culturelle.

Antioche, berceau éprouvé du christianisme

Avant le tremblement de terre, Antioche comptait plus de 200 000 habitants.

Avant le tremblement de terre, Antioche comptait plus de 200 000 habitants.

Cet article a été publié dans le numéro 3801 de France Catholique, paru le 17 février 2023

Cet article a été publié dans le numéro 3801 de France Catholique, paru le 17 février 2023

La ville d’Antioche - Antakya, en Turquie - a été dévastée par le séisme qui a frappé la région. Entretien avec le professeur Antoine Fleyfel, directeur de l’Institut chrétiens d’Orient, spécialiste de l’histoire des chrétiens d’Orient.

Directeur de l’Institut chrétiens d’Orient, Antoine Fleyfel est spécialiste de l’histoire des chrétiens d’Orient.

Directeur de l’Institut chrétiens d’Orient, Antoine Fleyfel est spécialiste de l’histoire des chrétiens d’Orient.

C’est à Antioche que les disciples de Jésus ont été appelés « chrétiens » pour la première fois. Quel est le poids symbolique d’Antioche pour les chrétiens, qu’ils soient d’Orient ou non ?

Antoine Fleyfel : Antioche fait partie des communautés chrétiennes qui organisèrent le christianisme naissant au sein de l’Empire romain en cinq patriarcats – « pentarchie » –, dont l’ordre fut fixé lors du concile œcuménique de Chalcédoine, en 451. Antioche y occupe le quatrième rang, après Rome, Constantinople, Alexandrie, et devant Jérusalem. Aujourd’hui, cinq patriarcats se disent antiochiens et revendiquent son héritage : maronites, grecs orthodoxes et catholiques – melkites –, syriaques orthodoxes et catholiques.

Quels sont les saints et figures religieuses qui ont marqué l’histoire de la ville ?

L’une des figures les plus importantes est saint Ignace d’Antioche, né vers 35 en Syrie et martyrisé à Rome en 107 ou 113. Saint Ignace fut le troisième successeur de Pierre sur le siège antiochien. On lui doit un élément majeur de l’ecclésiologie : « Là où paraît l’évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Église entière. » Saint Jean Chrysostome, l’un des Pères de l’Église, est lui aussi né à Antioche, vers 344. Son anaphore, prière eucharistique, constitue le cœur de la liturgie des Églises byzantines. Les Églises orthodoxes, catholiques et orientales orthodoxes lui vouent la plus grande révérence. La liste des saints antiochiens compte aussi saint Flavien, saint Lucien, sainte Pélagie d’Antioche… Le pape Jean V y serait né en 635.

Quelle est l’influence des chrétiens d’Antioche dans la région ?

L’influence d’Antioche fut prépondérante durant les premiers siècles du christianisme. C’était un centre intellectuel et commercial important, ce qui favorisait les brassages culturels et linguistiques – ainsi s’explique la diversité des Églises qui s’en revendiquent aujourd’hui. Antioche est un lieu clef pour la liturgie : elle a influencé les liturgies syriaque, byzantine, maronite, assyro-chaldéenne ou arménienne. Enfin, la ville possédait une éminente école théologique, avec de grands noms comme Diodore de Tarse ou Théodore de Mopsueste, au IVe siècle. Cette école participa d’une manière ardente aux débats christologiques et soutint activement la thèse des deux natures en Christ, l’humaine et la divine.

Quand la présence chrétienne antiochienne a-t-elle commencé à décliner ?

Les cinq premiers siècles de l’ère chrétienne représentent sans nul doute l’âge d’or de la « Cité de Dieu ». Mais il est difficile de dater précisément le début de son déclin en raison des catastrophes qui ont touché la ville, et des bouleversements politiques qui ont eu des conséquences directes sur la présence chrétienne. On peut mentionner le tremblement de terre de 526 qui aurait fait 250000 victimes dans la région, la prise d’Antioche par les Perses en 540 et la déportation de la majorité de ses habitants, sa prise par les Arabes, puis par les Byzantins, avant les Seldjoukides, les croisés, les Mamelouks, les Ayyoubides, les Ottomans… Au XIXe siècle, la présence chrétienne y était encore importante, composée surtout de Grecs et d’Arméniens, mais les génocides perpétrés par les Jeunes Turcs pendant la Première Guerre mondiale ont décimé sa population chrétienne. En 1935, la ville comptait à peine 5000 âmes, et moins de 15 % de chrétiens. Avant le séisme qui vient de la frapper, sa population avait dépassé 200000 habitants, mais seulement quelques centaines de familles chrétiennes, en grande partie arabophones.

Que se passerait-il si les derniers chrétiens d’Antioche venaient à disparaître ou à fuir ?

La présence des chrétiens à Antioche est symbolique, le rôle qu’ils y jouent n’est en rien comparable à ce qu’il fut. Leur disparition serait évidemment regrettable, mais elle n’aurait pas d’effet sur la présence chrétienne en Orient, qui a déjà fait le deuil de nombreuses communautés qui y vivaient depuis les débuts du christianisme. Cependant, on ne peut évoquer Antioche sans parler de ses diasporas. En se revendiquant de la ville, nombre de communautés en vivent la diversité théologique et liturgique. Les Églises héritières d’Antioche sont aujourd’hui les témoins du Christ en Orient et en Occident. Elles cherchent à porter le message d’amour de celui dont elles ont été les premières à prendre le nom, message qu’aucune frontière ne peut contenir.

 

Saints Pierre et Paul sont fêtés le 29 juin

Saints Pierre et Paul sont fêtés le 29 juin

Dans le Livre des Apôtres

C’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de chrétiens », nous apprend le livre des Actes des Apôtres (chapitre XI). Paul, introduit par Barnabé – qui deviendra son premier compagnon de voyage – auprès des apôtres à Jérusalem, est ensuite présenté aux chrétiens d’Antioche, alors capitale de la Province romaine de Syrie. Il y reste douze ans, de 40 à 52. Au milieu du Ier siècle, Pierre, influencé par Jacques, et Paul entrent en conflit à Antioche. Des « païens » ont commencé à suivre l’enseignement du Christ. Le débat est de savoir ce qui prime : l’observance de la Torah – et la circoncision – ou bien la seule foi et la reconnaissance du Messie ? En arrivant à Antioche, Pierre s’ouvre aux chrétiens d’origine païenne. Un nouveau chapitre de l’histoire chrétienne débute.

 

Pourquoi saint Pierre et saint Paul sont-ils fêtés ensemble ?

Si le sujet vous intéresse, voici un lien vers un article de La Vie que j'avais écrit le 27 juin 2017.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article