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L'ère de la scène

Site d'Eléonore de Vulpillières. Recensions d'essais, pièces de théâtre, expositions... mon site propose des sujets relatifs à la scène culturelle.

Valkyrie : la femme combattante

©Arnaud Dufau

©Arnaud Dufau

 

C’est un spectacle aux racines antiques et aux branches contemporaines, entre le mythe des Amazones et notre époque. Femmes guerrières dans une société matriarcale honnie par les Grecs, les Amazones de Valkyrie se préparent à une guerre rude contre Athènes. Leur reine, Hippolyte (Ava Baya, en alternance avec Guillermina Celedon), mère d’un fils du même nom à l’avenir tragique, se remémore sa maternité, dans un dialogue avec une de ses guerrières (Mélissa Polonie), elle-même enceinte d’un enfant, un garçon, pense-t-elle. L’urgence de la bataille dont le spectateur pressent l’issue funeste, et l’imminence de l’accouchement se mêlent. Il faut se battre quand même, et Hippolyte tente, malgré ses failles, de rallier ses sœurs hésitantes à cette cause (perdue d’avance ?). C’est l’heure du doute, et de la prise de parole des unes et des autres.

 

Les Amazones incarnent un féminin sacré et combattant qui trouve des résonances contemporaines. Les cinq comédiennes qui jouent les Amazones explorent ce qui caractérise la femme à notre époque. L’une (Sasoux Dosso) est une motarde invétérée pour qui la féminité est une sensibilité cachée au cœur d’une carapace solide à l’apparence de bonhomme. L’autre (Mélissa Polonie) se prend pour une influenceuse des réseaux sociaux, pétasse superficielle pour qui le twerk est une danse d’affirmation de soi. La confrontation entre ces deux visions du féminin est inévitable ; sur scène, elle est brutale. Quant à Laura Facelina, elle incarne avec humour et sensibilité la femme fragile, timide, qui n’ose pas s’exprimer, et qui progressivement, en se battant contre elle-même et contre ses préventions qui la rongent, sort d’une posture paralysante. La figure de la femme mal à l’aise avec son corps, qui trouve un abri réconfortant dans la nourriture, est parfaitement campée par une Hélène Rimenaid drôle et touchante.

 

L’élément principal du décor, cheval de la modernité, est une moto qui vient se planter au centre de la scène. C’en est presque un personnage de la pièce, tant il constitue un objet de puissance permettant aux comédiennes d’affirmer leur force et leur unité.

 

Le spectacle, qui comporte des scènes de danse très réussies (inspirées des hakas maoris) et diverses, est proposé par la Compagnie Lencre, qui existe depuis trente-cinq ans à La Rochelle. Pierre Pfauwadel, le fils de la metteuse en scène Isabelle Janier a repris la direction de cette compagnie et signe avec Ava Baya la mise en scène et la chorégraphie de Valkyrie. Si la thématique de la quête de la place de la femme dans la société, sous l’angle d’un féminisme guerrier peut sembler vue et revue, Valkyrie évite l’écueil d’une vision cliché et propose une réflexion intéressante, nuancée et optimiste sur le sujet.

 

Valkyrie, Festival d’Avignon Off 2024, Théâtre Transversal, 10 rue d’Amphoux

 

©Arnaud Dufau

©Arnaud Dufau

©Eléonore de Vulpillières

©Eléonore de Vulpillières

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