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L'ère de la scène

Site d'Eléonore de Vulpillières. Recensions d'essais, pièces de théâtre, expositions... mon site propose des sujets relatifs à la scène culturelle.

La Pologne entre conservatisme et soutien conditionnel à l’Ukraine

L'hôtel Gołębiewski où se tient le Forum économique de Karpacz ©Eléonore de Vulpillières

L'hôtel Gołębiewski où se tient le Forum économique de Karpacz ©Eléonore de Vulpillières

©Michal Dyjuk/AP/SIPA

©Michal Dyjuk/AP/SIPA

Cet article a été publié initialement le 23 septembre 2023 sur le site du JDD.

La 32e édition du Forum économique de Karpacz, en Pologne, s’est tenue du 5 au 7 septembre. Au petit Davos d’Europe de l’Est, l’heure est au conservatisme et à la résistance face à la Russie de Vladimir Poutine.

Karpacz, petite ville de Basse-Silésie située sur la frontière tchèque, station de ski l’hiver et lieu de randonnées l'été. Voilà le cadre bucolique où se tient une conférence annuelle organisée depuis 1991 par l'Institut pour les Études d'Europe de l'Est en Pologne, qui réunit d’importants acteurs du monde économique, politique, médiatique, associatif et universitaire. Des experts issus du monde entier, majoritairement d’Europe de l’Est, qu'on n'a pas l'habitude de voir aussi concentrés au même endroit. Concrètement, 5000 personnes se rencontrent et échangent lors des 300 panels divers et d’événements quotidiens qui rythment ces trois jours, dans le cadre de l'immense hôtel Gołębiewski. Les sujets abordés sont très divers, et ont trait à l'économie, la défense, la cybersécurité, la santé, la démographie, mais aussi à la désinformation ou aux échanges culturels.

Guerre en Ukraine : un enthousiasme pro-ukrainien bien plus mesuré…

Contrairement à l’année dernière, où le sentiment pro-ukrainien était très fort, et l’enthousiasme des participants se manifestait de façon démonstrative, l’édition 2023 reflète une baisse de la ferveur pro-Ukraine, comme si un sentiment de lassitude diffus laissait transparaître une sortie de guerre fort lointaine. Si la Pologne demeure toujours aussi opposée au régime de Vladimir Poutine, certains événements ont entaché son engagement inconditionnel aux côtés de Kiev. En effet les agriculteurs polonais ont souffert des importations excessives du grain ukrainien. C’est dans ce cadre de ce litige sur l’importation des céréales que le Conseil des ministres ukrainien a interdit aux députés ukrainiens de se rendre en Pologne. Cette décision a empêché plusieurs députés invités de se rendre à Karpacz. 

La conditionnalité de l’aide polonaise à l’Ukraine s’est confirmée mercredi 20 septembre, lorsque, après une convocation d’urgence de l’ambassade ukrainien en Pologne, le Premier ministre polonais a déclaré : « Nous ne transférons plus aucun armement à l'Ukraine, car nous nous armons nous-mêmes avec les armes les plus modernes. » Après lui avoir fourni près de 50% de son matériel militaire, Varsovie se montre plus prudente sur le soutien militaire de son voisin. La tension est encore montée d'un cran le 22 septembre. « Je veux dire au président Zelensky de ne plus jamais insulter les Polonais, comme il l'a fait récemment lors de son discours à l'ONU . Les Polonais ne le permettront pas. » C’est ce qu’a déclaré le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, cité par l’agence de presse polonaise PAP.

Pour autant, la Pologne demeure un acteur phare du soutien à l’Ukraine, aussi bien dans l’accueil et l’intégration du million et demi de réfugiés à l’économie polonaise, que dans le rôle certain qu’elle aura dans la reconstruction de l’Ukraine. Celle-ci faisait l’objet de plusieurs conférences, avec, parmi les personnalités invitées, les maires de Marioupol et Kherson.

… mais une opposition toujours aussi forte à la Russie de Poutine

De nombreuses tables rondes ont été consacrées à la guerre en Ukraine et à l’avenir de la Russie. Plusieurs analystes polonais, slovaques ou tchèques, mais aussi d’Europe occidentale ont eu des mots très forts sur la Russie, estimant que nous vivions une période similaire à celle de la désintégration de l’URSS, et que la « destruction de la Russie » était à la fois inévitable et souhaitable.

Au fond, la Pologne se veut toujours en première ligne du combat européen contre Poutine, sur les plans informationnel et militaire. L’an prochain, Varsovie consacrera plus de 4% de son produit intérieur brut à la défense, ce qui représente une augmentation de budget militaire par rapport à l’an dernier.

L’amitié avec les Etats-Unis et l’appartenance de la Pologne à l’OTAN ont été réaffirmées au cours de la conférence de Karpacz. A titre d’illustration, l'ambassadeur des Etats-Unis en Pologne Mark Brzezinski, fils de l'ancien conseiller américain à la sécurité nationale d'origine polonaise Zbigniew Brzezinski, a reçu le prix de la personnalité de l'année, après le président ukrainien Volodymyr Zelensky, l'ancien président polonais Lech Wałęsa et l'ancien président tchèque Vaclav Havel. L’ambassadeur a réaffirmé le soutien sans faille des Etats-Unis à la Pologne, tant sur le plan économique que sur le plan militaire. « La réponse à la guerre en Ukraine s’avère être l’un des moments significatifs de l’histoire de l'exceptionnelle amitié polono-américaine », a-t-il déclaré, tout en soulignant « la valeur de l'OTAN » dans le conflit.

Des réserves sur l’orientation de l’Union européenne

Le Forum économique a aussi représenté une tribune pour le PiS (Droit et Justice), le parti conservateur au pouvoir, à un mois des élections législatives et du référendum sur l’immigration le 15 octobre. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, ainsi que d’autres ministres ont participé à plusieurs panels du forum. M. Morawiecki s’est exprimé sur les investissements étrangers en Pologne, à l’heure où il juge en panne les processus décisionnels de l’Union européenne. Fin août, la Pologne – très dépendante des énergies fossiles comme le charbon – a annoncé avoir saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour remettre en cause plusieurs mesures adoptées par l’UE concernant la transition énergétique.

Au fond, à Karpacz, la Pologne a tenu à réaffirmer son opposition constante à la Russie de Vladimir Poutine et sa volonté de développement économique, tout en maintenant des valeurs traditionnelles et une méfiance à l’égard des politiques climatique et migratoire de l’Union européenne. Une ligne parfois peu comprise en Europe occidentale, où l’axe « progressisme/pro-Ukraine » est souvent opposé à celui « conservatisme/pro-Russie ».

 

 

 

 

Un panel au Forum économique ©Eléonore de Vulpillières

Un panel au Forum économique ©Eléonore de Vulpillières

©Eléonore de Vulpillières

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