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L'ère de la scène

Site d'Eléonore de Vulpillières. Recensions d'essais, pièces de théâtre, expositions... mon site propose des sujets relatifs à la scène culturelle.

Stendhal : l'écrivain de la révolte désinvolte

Stendhal : l'écrivain de la révolte désinvolte

Cet article est initialement paru dans le numéro de Marianne du 25 au 31 mai 2023.

Stendhal : l'écrivain de la révolte désinvolte

En littérature, “la politique est un coup de pistolet tiré au milieu d’un concert”, lit-on dans plusieurs des écrits de Stendhal. Précurseur de l’irruption des problématiques sociales contemporaines dans le récit, l’écrivain grenoblois servit le pouvoir autant qu’il le combattit. C’est ce rapport au pouvoir que vient explorer l’essai précis et efficace de Richard Bellin, Stendhal, figures de l’insoumission (ed. Michalon). Sa thèse : on peut lire l’œuvre stendhalienne comme “la remise en cause de la possibilité même d’un pouvoir légitime”. Car celui qui naquit Henri Beyle ne fut jamais à l’aise avec l’autorité. “Inapte à la subir quand il est dans l’opposition, il est aussi inapte à l’exercer entièrement comme serviteur de l’Etat”. Proche de son grand-père maternel, il déteste la bigoterie et l’hypocrisie de son père et sa tante, les angéliques Chérubin et Séraphie. Prenant le contre-pied de son éducation austère et marquée par la religion catholique, il devient républicain et athée. Dans toute son œuvre empreinte de refus des déterminismes, les héros cherchent à échapper à leur condition. Stendhal écrit sous la Restauration puis la monarchie de Juillet, dans une France des notables et des élites économiques, dont le maire aux ordres du gouvernement M. de Rênal dans Le Rouge et le Noir est l’archétype. Comme Julien Sorel, les héros, par leur efféminement, sont en plus d’être des transfuges de classe, des transfuges de genre. Pour autant, la révolte stendhalienne reste gaie. Elle ridiculise les auxiliaires du pouvoir comme le garde des Sceaux Rassi, qui dans La Chartreuse, reçoit coups et injures du roi sans mot dire. Et même quand les héros stendhaliens servent le pouvoir, ils conservent toujours une distance critique avec celui-ci. A l’heure où la notion d’insoumission est si galvaudée qu’elle a été déposée comme nom de parti, ce livre permet de mieux comprendre l’entreprise stendhalienne de subversion des codes du pouvoir. Alors qu'à notre époque, le bras de fer avec le pouvoir se manifeste dans la rue le poing levé, entre Gilets jaunes et opposants à la réforme des retraites, pour le romancier, détachement et désinvolture “font plus que force ni que rage".

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